Vernissage de l’exposition « Fragment(s) d’une ville »

Les élèves dessinent Karaköy sous la direction de l'artiste Benoît Hamet

Il y a des projets dont la genèse est aussi captivante que la mise en œuvre.
"Les Fragments d’une Ville" fait partie de ceux-là et les élèves ont été embarqués dans cette réflexion et cette aventure. C'était à eux de découvrir et raconter cette histoire.

La modernité, c’est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l’art,
dont l’autre moitié est l’éternel et l’immuable.
Il y a eu une modernité pour chaque peintre ancien.
Charles Baudelaire, Le Peintre de la vie moderne

Arrivé il y a quatre ans à Istanbul, Benoît Hamet a travaillé rapidement dans l’édition turque et son style pointilliste était reconnaissable entre tous. Ce goût du détail cachait aussi un autre goût très prononcé pour l’architecture qui fut sa formation initiale. C’est au cours d’une rencontre que nous avons échangé sur notre quotidien, notre amour d’Istanbul et notre réserve quant aux innombrables projets et chantiers de transformation de notre ville d’adoption et de notre quartier commun, Karaköy. Benoît Hamet était intarissable sur l’histoire de bon nombre de bâtiments que nous reconnaissons tous, sans vraiment les connaître, ou même que nous ne voyons plus tant nous sommes habitués à un palimpseste architectural offert par cette mégapole.

L’inspiration

Porter un regard différent sur son environnement immédiat, interroger l’histoire voilà des thématiques qui correspondaient à la séquence pédagogique des lycées 2 intitulée la Ville. Comment alors allier illustration et travail historique ?

Il y a deux ans, La Galerie avait accueilli en résidence un illustrateur de bande dessinée, Benjamin Bachelier, pour travailler avec des élèves sur un style narratif très en vogue dans l’édition française, le reportage en bande dessinée. Le nécessaire voyage dans le temps excluait cette technique !

Nous parlions à bâtons rompus lorsque Benoît Hamet mentionna l’œuvre de Richard Mc Guire, artiste touche-à-tout américain qui bouleversa les codes narratifs dans une BD devenue célèbre, Here, publiée en 1989 puis rééditée dans une version augmentée et en couleurs en 2014.

L’artiste arrive à New York dans un appartement vide et il n’a de cesse de s’interroger sur ses anciens occupants. Parallèlement, un ami lui explique le principe des fenêtres multiples et simultanées dans Windows et Richard Mc Guire décide de l’appliquer à sa recherche de temporalités multiples pour un même espace, c’est-à dire son salon.

Le projet, un défi !

Une visite a été faite dans chaque classe de lycées 2 pour inviter à participer sur la base du volontariat à un projet qui mettrait en valeur le quartier du Lycée Saint Benoît et au-delà c’est à dire jusqu’au futur embarcadère de Galata Port. Des ressources ont été proposées comme le catalogue en ligne de Salt Galata ainsi que les recherches personnelles de Benoît Hamet accessibles sur internet. Une fois les volontaires inscrits, une première réunion s’est tenue avec l’artiste pour parler du calendrier et du résultat attendu en une semaine, ce qui est un réel défi.

Les deux premiers jours ont été consacrés aux recherches historiques pour chaque groupe.
Les élèves étaient libres de choisir un bâtiment ou un point de vue dans le quartier.
Des ressources additionnelles viendraient documenter chaque fresque à la manière des expositions en réalité augmentée.
Les deux jours suivants ont été consacrés à la reproduction sur les murs de la Galerie des photos choisies par les élèves.
Une fois le crayonné finit et avant l’encrage, il fallait peindre les fenêtres, flèches et éléments en rouge.
Ce travail effectué, l’encrage pouvait commencer : du contour aux techniques de “bruit” expliquées par Benoît Hamet à des élèves qui non seulement s’en sont très bien sortis mais ont même pu disséminer cette technique au gré de leur fantaisie.

C’est un travail lent et minutieux qui demande de la concentration mais aussi la nécessité de rectifier, réévaluer son travail.

Image et son…

La touche finale a été l’enregistrement d’un texte écrit par les élèves en français et en turc pour donner les informations reliées à chaque flèche sortant des fresques. Enregistrés sur le soundcloud du CDRN, ils ont permis de générer un QR code pour que chaque visiteur puisse découvrir la vie de ces architectes, commanditaires, urbanistes d’un passé pas si éloigné. Mehmet Ağa et William Henry Bartlett interviennent dans la fresque consacrée à la fontaine de Tophane, Vallaury et Camondo dans celle sur l’escalier du même nom, la famille Narmanlı est en portrait au centre de la fresque sur la cité française car elle en est propriétaire. L’histoire du Minerva Han ou Banque d’Athènes et de son architecte Vassilis Kouremenos, de la rue des Banques, de l’urbaniste Henry Prost qui redessina l’actuel Kemeraltı Caddesi,des différentes affectations de l’actuel Göz hastanesi et enfin l’histoire mouvementée du pont de Galata …tout ce passé (in)visible vous est révélé à travers 5 fresques magistrales !

Partager ses connaissances et son savoir faire avec enthousiasme est un grand signe de générosité et nous remercions Benoît Hamet d’avoir cette qualité !

Un grand bravo à nos élèves pour leur implication et leur ténacité dans un projet original mené tambour battant dont le résultat a ravi leurs enseignants et le public !

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